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Interview :

PSYCHO-GÉNÉALOGIE: 7 QUESTIONS POUR MIEUX COMPRENDRE.

Interview de Corina Julie pour le journal l'Express à l'Ile Maurice

 

1. Dis moi qui sont tes ancêtres et je te dirai qui tu es. C’est un peu ça la psycho généalogie?

 

Oui, on peut l'exprimer ainsi, ou encore: «Parle-moi de ta vie je te parlerai de tes ancêtres». Nous sommes tous, que nous le voulions ou non, des pensées, des décisions de nos ancêtres. Il faut s'intéresser à l'histoire de son clan pour découvrir qu'au travers de nos actes, les évènements de notre vie, les personnes que nous rencontrons, nous ne faisons que perpétuer des situations déjà vécues. Quelqu'un disait: «Le décor seulement change, mais les ressentis, les émotions, et les situations sont identiques». Nous portons en nous nos ancêtres. Nous sommes par notre pensée, notre intelligence, ou encore notre esprit et notre âme, la continuation des générations qui nous ont précédées, et surtout de ceux dont nous sommes faits, de la même chaire et du même sang. Nous portons les dons, qualités et la créativité de nos ancêtres, mais aussi leurs souffrances, leurs secrets, dénis et regrets. Par exemple, lorsque l'on trouve dans le clan une problématique d'enfants morts, l'on retrouvera chez les descendants des problématiques de stérélités, d'accouchements difficiles, d'impossibilité à faire couple, mais aussi de mort d'enfants ... De même, le mélomane qu'était mon grand-père se retrouve en moi dans mon attirance pour le piano et la guitare. Mon attraction pour la nature, les plantes me vient de l'amour du jardinage de ma grand-mère et de ma mère. Nous sommes déjà constitués d'un collectif autant clanesque que sociétal, réligieux et historique. Jung, qui à sa manière a introduit cette idée de pérénité de l'espèce, parlait de co-inconscient ou encore d'inconscient collectif. Nous sommes créés et pensés par nos parents, nous avons à la naissance une pensée collective qui vient de nos ancêtres pour enfin trouver notre propre pensée, notre propre voie.

 

Alors oui, résolument, «Dis-moi qui sont tes ancêtres, je te dirai qui tu es!»

 

2. Quelque part la psycho-généalogie vient nous dédouaner de nos difficultés ou travers d’aujourd’hui, puisque c’est la faute aux ancêtres?

 

Vous parlez de l'état de victime. Je ne suis responsable de rien, c'est la faute à Pierre, Paul et les autres. Attitude encore très pratiquée qui ne fait en rien changer ou évoluer une situation. Nous fonctionnons depuis des millénaires en état de victime. Nous trouvons toujours la responsabilité de nos malheurs à l'extérieur, le seul problème est que dans ce comportement nous ne réglons absolument rien, une sorte de fatalisme qui ne donne pas des gens heureux de vivre.

Bien au contraire, la psycho-généalogie vient nous montrer que nous pouvons devenir responsables de nos vies consciemment et inconsciemment. Consciemment c'est facile, inconsciemment c'est beaucoup plus difficile lorsque nous ne connaissons pas l'histoire de notre clan!

 

Notre responsabilité, n'est pas une responsabilité culpabilisante, celle que la société aime à nous faire porter. Je parle de conscience sans jugement. Je fais partie de ce clan, j'en connais les bonheurs et les malheurs. Je sais par cette connaissance l'impact qu'ils ont sur ma vie. Ceci me permet de rencontrer en moi ce qui constitue mes propres pensées et émotions et ce qui constitue les automatismes de mon clan. Je peux ainsi poser des actes et des ressentis qui m'appartiennent. Par conséquent, je ne me situe plus en tant que victime d'une société ou d'un clan ou je suis déresponsabilisé en agissant ma vie comme un zombie, sautant d'une humeur dépressive à un enjouement autant artificiel qu'éphémère. Et me retrouvant dans des situations que je n'ai pas voulues.

 

Il n'y pas de fautes émises, il y a seulement des faits vécus que nous reprenons à notre compte sans consciemment le savoir. Personne n'est fautif, ni eux ni nous. Il y a des vécus acquis comme des crédits: Les petites et grandes oeuvres de nos ancêtres. Il y a aussi les situations engrammées comme des débits: Les traumatismes ressentis en amont. Un évènement trop dur pour le coeur, tellement douloureux pour l'être que sa structure mentale ne pourra pas en faire le deuil. On parle de situation ingérable pour l'individu, une guerre, un bébé qui décède à 1 ou 5 ans. Un viol d'enfant, l'abandon du père, l'emprisonnement ... Des tragédies qui ne seront ni verbalisées, ni métabolisées et qui vont s'imprimer dans le collectif inconscient des générations à venir. On parle aussi de «sidération» d'une partie du cerveau Ce choc se retrouvera dans le clan en aval par des faits, des sensibilités, des rencontres des états de penser. Une répétition sans fin dont nous sommes bien malgré nous porteurs et qui fait que souvent nous ne comprenons pas pourquoi nous vivons toujours les mêmes histoires. Comme si nous réalisions peu à peu, qu'entre ce que nous voulons en tant qu'être conscient et ce que nous vivons dans nos vies, il y avait une sorte de dichotomie. Je veux faire couple, je cherche avec tout mon être la femme ou l'homme à aimer et de qui être aimé et pourtant je suis sans arrêt confronté à des situations de rupture ou de solitude.

 

Nous vivons dans des programmes déjà établis par notre lignée. Comment peut on juger un programme, et comment peut-on juger nos ancêtres? Ils ont fait ce qu'ils ont pu avec ce qu'ils avaient. Enfin comment jouer les victimes lorsque finalement il n'y a ni bourreaux ni victimes!

Il a des faits réels qui établissent ce que nous sommes dans l'instant. L'un des moyens de passer de cet inconcient collectif à notre concient personnel est de se pencher sur les liens qui nous unissent à notre clan et qui font que souvent, nous ne nous sentons pas libre dans nos actes.

 

3. En quoi c’est si important de connaître ses origines?

 

Pour les raisons que je viens d'énoncer plus haut. Devenir une femme et un homme libre c'est connaitre son passé pour mieux appréhender son présent et pas conséquent son futur.

Sortir d'une répétition sans fin qui s'exprime de génération en génération et qui ne fait pas des êtres concients.

Cette recherche permet dans la découverte du «roman de son clan», de mieux se connaitre (naitre avec). C'est la connaissance qui libère et non pas l'ignorance.

Sortir des mécanismes douloureux auquels nous sommes confrontés dans notre vie, sans jouer les victimes. Il n'y a pas de hasard, ou comme disait ma grand-maman: «Il n'y a pas de fumée sans feu». Subir des déboires financières à répétition est un mécanisme qui peu retrouver ses origines jusqu'à la quatrième génération en amont. Il faut que ces blessures que nous vivons en fidélité familiale à nos ancêtres cessent pour nous et aussi pour notre descendance. Nous héritons des histoires douloureuses que nous léguons ensuite à nos enfants.

 

4. Pouvez-vous nous donner quelques exemples concrets (ou un) où la psycho-généalogie a pu résoudre un mal-être?

 

Le cas de Hervé qui depuis un ou deux ans ne peut plus assumer son travail. Dès qu'il se retrouve, soit sur l'autoroute, soit dans un parking souterrain, soit dans un tunnel, ou souvent son travail le conduit, il rentre en crise de très grand stess, ingérable, incontrolable. Ainsi, il est de plus en plus hanté par sa peur de ne pas pouvoir assumer son travail et de le perdre. Dans l'incapacité émotionnelle de prendre sa voiture car son appréhension est de se retrouver dans un lieu ou il sera bloqué. Car c'est cela exatement l'expression du traumatisme vécu en amont. Etre bloqué dans une endroit sans possibilité de sortir et y mourir. Conséquence de sa problématique, il reste chez lui sans solution et avec l'aide hebdomadaire d'un psychologue.

 

C'est en remontant dans son arbre généalogique et en le laissant me raconter les histoires de son clan et des personnes avec qui il est en lien, soit par les prénoms, soit par les dates de naissance ou les n° de fratrie que nous avons pu remonter à l'origine de sa peur. Le choc se trouvait dans l'histoire de son père. Mineur de fond, un matin il y a eu un coup de grisou, l'entrée du puits s' effondre, il faut deux jours pour le dégager. Son trauma énorme qui va s'étaler sur 48 heures: Mourir avant d'avoir pu être débloqué laissant une femme et trois enfants! Il ne pourra rien faire que tenter de survivre en minimisant ses besoins en oxigène.

 

Hérvé va déclencher la claustophobie à la date anniversaire du coup de grisou et ainsi tout le choc émotionnel de son père va reprendre vie à travers lui. Situation extérieure différente, mais exactement les mêmes ressentis, les mêmes peurs. Ainsi le cerveau archaïque d'Hervé effectue bien son travail: Fidélité famililale invisible à son papa, et survie de l'espèce. Ne pas oublier.

Hérvé à pris conscience que cette histoire était celle de son père. Il a réalisé émotionnellement toute la peur insoutenable qu'avait du vivre son père pendant deux longs jours. Il a évacué, autant intellectuellement qu'avec le ressenti, une histoire lourde et dramatique et ainsi il a pu reprendre le cours de sa vie après deux ans de souffrance et d'incompréhension.

 

5. Fouiller dans les secrets de famille, les fautes cachées, les non dits, qui plus est au-delà de quatre générations, est-ce que ça ne risque pas de déstabiliser encore plus les patients.

 

C'est la connaisance qui libère et non pas les secrets gardés. Il est vrai que la plupart des gens pensent qu'il est meilleur pour l'entourage de se taire, afin de ne pas rajouter de la douleur. Une bonne intention qui a prouvé au fils des années que cela ne fait qu'agraver les réactions inconscientes du clan.

 

Malgré le travail considérable de Françoise Dolto, qui s'est battue pour que les secrets soient révélés aux enfants, la croyance populaire est encore bien ancrée. Le docteur Dolto a pratiqué pendant des années avec les enfants et a démontré, preuves à l'appui, que le secret gardé par les parents ou grands-parents était somatisé chez l'enfant. En effet, même si le conscient de l'enfant est vierge de toute connaissance clanesque, son inconscient est lui chargé de l'histoire familiale jusque dans les moindres détails. L'inconscient trouvera un moyen pour que ce secret, ce déni, ou cette émotion refoulée, sourde à l'extérieur, soit par le biais du corps, soit par une dépression nerveuse, soit par une situation mal vécue. De l'enfant névrotique à l'enfant psychotique, elle a libéré bien des cas difficiles en décidant les parents à révéler les non-dits.

 

6. Au fait qui êtes-vous Marie Chatelard, comment vous êtes-vous intéressée à cette filière?

 

Par ma propre histoire, bien-sûr. N'est-ce pas le cas de la plus part des thérapeutes? Un parcours de connaissance de moi-même pour découvrir ce qui me constituait et pourquoi ma vie était semée d'embuches, d'insatisfactions et de souffrances vécues. Une exploration de mes racines pour m'apercevoir que derrière la vitrine de la psychologie se trouvait l'arrière- boutique de la psycho-généalogie et son tribu de traumatismes qui résonnait fortement sur ma vie.J'avais beau, avec l'aide de psychologues,détécter des causes psychologiques à mon mal être et à mes déboires, je ne ressentais qu'un bien-être éphémère. Je n'arrivais pas à répondre à la question: «Qui pense et qui ressent en moi?» Une phrase dit: «Qui cherche trouve». La vie m'a dirigé vers la psycho-généalogie à laquelle je me suis ensuite formée pour la pratiquer.

 

7. Et que dites-vous aux sceptiques? Est-ce que la psycho- généalogie gagne en popularité?

 

Vous savez, il n'y a pas de vérité, il y a des vérités et chacun la sienne. Je n'ai rien à défendre. Comme je le disais, c'est au travers de ma recherche personnelle que j'en suis venue à la psycho-généalogie. Une idée, un concept, un outil, deviennent seulement une vérité pour un individu s'il en fait l'expérience. La seule chose que je peux dire c'est que la psycho-généalogie a maintenant entre 35 et 40 ans d'expérience grâce à la pratique de nombreux psychiatres, psychologues, cliniciens et chercheurs. Pour n'en citer que quelques-uns: Anne Ancelin Schutzenberger; Didier Dumas, Nicolas Abraham et Maria Törok et tant d'autres qui ont travaillé en cliniques et hopitaux et reporté le plus souvent par écrit leurs expériences.

De plus en plus d'accompagnants se forment à cette science car elle attire un nombre grandissant de personnes en quête de sens. Et, qu'est ce qui peut faire mieux sens que l'histoire de nos ancêtres dont nous sommes, que nous le voulions ou non, les détenteurs?

 

Trouver un sens à sa vie pour mieux la vivre, c'est déjà partir à la découverte de «l'essentiel» de nos aïeux. Un vrai chemin, une belle aventure qui nous ramène à la maison.

 

    Marie Chatelard